Avec le déplacement du chef de l’État, beaucoup avaient espéré la fin de la crise brutale que connaît la Nouvelle Calédonie. Emmanuel Macron, responsable de la situation, sensé apaiser le conflit, a choisi de jeter de l’huile sur le feu en proposant un référendum national pour faire approuver le projet de réforme constitutionnelle visant à dégeler le corps électoral dans le territoire.
Ce dégel du corps électoral est contraire au processus de décolonisation et les Kanaks, légitimement, refusent ce diktat de l’État. En effet, depuis les accords de Matignon en 1988, puis de Nouméa en 1998, la paix civile était respectée par l’ensemble des parties, par les Kanaks, les Caldoches (colons), les élus locaux, par les gouvernements français et les présidents de la République successifs. Il s’agissait de reconnaître la décolonisation du « Caillou », conformément aux résolutions de l’Onu. C’est parce le droit international reconnaît la colonisation avérée du territoire que la France avait gelé le corps électoral en Nouvelle-Calédonie.
Depuis, l’archipel organise en son sein deux types de citoyennetés : une citoyenneté nationale pour tous et une citoyenneté calédonienne réservée aux Kanaks et à celles et ceux qui y vivent depuis au moins 1998 et les accords de Nouméa.
Aujourd’hui, au prétexte des résultats des référendums sur l’indépendance de la Nouvelle Calédonie : celui de 1987 boycotté par les indépendantistes, celui de 2018 qui donna la victoire au « non » à 56 % et celui de 2020, en plein covid 19, pour lesquels les Kanaks ne se sont pas déplacés (au moment des deuils les Kanaks ne votent pas), les partisans du passage en force (gouvernement, droite et extrême droite, colons), favorables à la réforme constitutionnelle, réclament le respect de la démocratie alors qu’il s’agit là d’une injonction d’un pays colonial vis-à-vis d’un peuple reconnu par l’Onu.
Pourtant, Emmanuel Macron montre les muscles et l’arrivée des renforts de gendarmerie, qui porte à 3500 le nombre des éléments des forces de l’ordre présentes sur place, a pour objectif d’imposer l’ordre colonial et de poursuivre l’exploitation des mines de nickel.
Après plusieurs semaines de tensions et d’émeutes qui ont causé la mort de sept personnes, l’archipel doit pourtant panser ses plaies. Il faut reconstruire les logements, les édifices publics et le tissu économique, organiser la distribution alimentaire pour éviter des émeutes de la faim, réapprovisionner les centres de santé en médicaments… La démonstration de force mise en œuvre par l’État français risque d’envenimer la situation et d’empêcher le retour de la paix civile.
C’est par la voie politique que le conflit prendra fin et il est impératif d’écouter les revendications du peuple kanak, de reprendre les négociations, de renoncer à la réforme constitutionnelle sur le dégel du corps électoral calédonien, de mettre un terme à l’état d’urgence et d’engager des politiques économiques et sociales pour éradiquer les injustices entre Kanaks et Caldoches.