Il y a un mois, le monde agricole se mobilisait très largement, partout en France, pour dénoncer sa situation devenue insupportable, faute de prix rémunérateurs, d’égalité face aux normes et par manque de reconnaissance. Pourtant, la souveraineté alimentaire est un enjeu crucial. Ils étaient des milliers à bloquer les routes, à manifester pour exiger la prise en compte de leur travail et la revalorisation du prix de leurs productions, face à l’agro-industrie et à la grande distribution qui n’en finissent plus de réaliser des gros profits sur le dos des producteurs et des éleveurs.

La colère paysanne a gagné la France après que d’autres grandes manifestations européennes se soient déclarées, en Allemagne, en Italie, en Espagne ou au Danemark. Partout les mêmes revendications, une rémunération à la hauteur du travail, la prise en compte des efforts effectués dans le cadre de la transition écologique, la fin de la distorsion de la concurrence organisée par les traités de libre-échange. 

En France, alors que le gouvernement, et la droite au sens large, portent la responsabilité de la dérégulation des marchés agricoles, de la concurrence déloyale de produits importés, de la financiarisation des productions, tous se sont empressés de pointer du doigt l’excès de normes sociales et environnementales et d’apporter un soutien inconditionnel au syndicat agricole majoritaire FNSEA, dirigé par Arnaud Rousseau, agriculteur céréalier mais surtout négociant et patron du groupe agro-alimentaire Avril. La FNSEA co-gère la politique agricole avec le gouvernement, elle a donc sa part de responsabilité dans la crise de l’agriculture française et européenne. Pas étonnant que les autres syndicats agricoles aient vu d’un mauvais œil les négociations d’urgence entre le nouveau Premier ministre et la direction de la FNSEA.

Des négociations qui ont abouti à des simplifications administratives, la remise en cause du plan Écophyto 2030 (objectifs de réduction d’utilisation de produits phytosanitaires) ainsi qu’une aide supplémentaire de 150 millions d’euros pour les éleveurs. Rien sur les prix planchers, les revenus du travail ou les traités de libre-échange. Pour Pierre Thomas, président du Modef : « Ces annonces me mettent en colère… N’aurions-nous qu’un problème de paperasse ? ». Pour Véronique Marchesseau de la Confédération paysanne : « De toute façon, le plan Écophyto avait déjà été déshabillé de ses objectifs ». En résumé, les discussions organisées entre le gouvernement, la FNSEA et sa branche Jeunes Agriculteurs, ont fait beaucoup de bruit mais ont accouché d’une souris. Pour rassurer sa base, la FNSEA a déclaré qu’elle levait les blocages mais que le mouvement se transformait et se poursuivrait. Reste à savoir sur quelles revendications et si l’ensemble du monde agricole en sera partie prenante. À quelques mois des élections européennes, le salon de l’agriculture qui débute devrait bousculer le gouvernement.