Sophie G. Lucas, aujourd’hui Nantaise mais ayant passé son enfance et adolescence à Saint-Nazaire, publie depuis le début des années 2000 des textes poétiques. D’abord dans des revues, puis sous forme de recueils, ses textes en vers ou en prose expriment des paroles fortes de révolte au travers de personnages qui se répondent par-delà les époques. 

Le recueil On est les gens s’ouvre par cette scène documentaire mythique de La reprise du travail aux usines Wonder, filmée par Pierre Bonneau et Jacques Willemont, à Saint-Ouen, après les grèves de 68. On y voit une femme – Jocelyne – révulsée à l’idée de retourner à l’usine et prendre à partie les ouvriers qui sont en train d’y rentrer, notamment les responsables syndicaux. « Je mettrai plus les pieds dans cette taule ! (…) Allez voir quel bordel que c’est ! (…) On est noirs ! On est dégueulasses ! On est comme des charbonniers quand on sort de l’d’dans ! ».

Cette séquence première donne le ton et, sous forme de flashs ou de longs monologues, de témoignages et de vies imaginaires, la poétesse porte les cris des réprouvés de toujours, de la Commune de 1871 ou des ronds-points des Gilets jaunes. 

De son expérience d’animatrice d’ateliers d’écriture en milieu pénitentiaire, Sophie G. Lucas tire une puissante interpellation jetée à l’autrice : « Comment ils nous appellent déjà, ah oui, les publics éloignés, les publics empêchés, avant on disait les publics précaires ou en difficulté, arrêtez de saucissonner le public, on est des gens, juste des gens (…) Vous pensez que vous allez transformer nos vies, mais vous faites partie du système (…) Vous vous nourrissez de nous (…) vous remplissez une ligne d’un budget pour la culture à peu de frais... ».

Parfois minimaliste pour donner un contexte, souvent avec force et très orale quand il s’agit de faire parler « les gens », c’est toujours avec une extrême sensibilité que Sophie G. Lucas dissèque notre monde.

On est les gens Sophie G. Lucas (éditions La Contre-allée) 153 p. 8,50 €