Alors que les armes sèment la mort dans de nombreuses parties du monde, il faut à l’espèce humaine un certain goût du paradoxe pour attribuer, chaque automne, un prix de la Paix. Non moins paradoxal, ce prix porte le nom d’Alfred Nobel, industriel fabricant d’armes, découvreur de la dynamite, se disant néanmoins pacifiste. 

Ces paradoxes permettent peut-être d’expliquer pourquoi, dans la longue liste des récipiendaires, figurent quelques ratés, tels que Theodore Roosevelt, qui préconisait la négociation diplomatique fermement appuyée par une force militaire, Henry Kissinger, qui n’a pas hésité à bombarder le Cambodge ni à soutenir les dictatures d’extrême droite latino-américaines, ou encore Aung San Suu Kyi à qui il est reproché de ne pas avoir condamné le massacre des Rohingyas.

Cette année, le prix a été attribué à Narges Mohammadi, journaliste et militante iranienne, actuellement en prison, récompensée « pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous ». 

Narges Mohammadi a été durant des années la porte-parole de l’Association iranienne des défenseurs des droits humains, fondée par la lauréate du prix Nobel de la paix en 2003, l’avocate Shirin Ebadi. C’est à ce titre qu’elle a été arrêtée en 2010, puis condamnée à six ans de détention. Relâchée en 2012 pour des raisons de santé, elle est retournée en prison en 2013, condamnée cette fois à dix ans d’emprisonnement. Libérée en 2020, elle a poursuivi son combat, dénonçant notamment les tortures et abus sexuels dont souffrent les prisonnières. Suite à ses témoignages, Narges Mohammadi est retournée derrière les barreaux. Il lui reste aujourd’hui à purger dix ans et six mois de prison.