L’espoir était permis en Turquie de faire tomber le système Erdoğan après plus de 20 ans de domination du Parti de la justice et du développement (AKP, droite). La crise économique persistante, la gestion catastrophique du séisme de mars ainsi que la fuite en avant autoritaire semblaient fragiliser le camp conservateur face à une opposition pour une fois unie. Kemal Kılıçdaroğlu, secrétaire général du Parti républicain du peuple (CHP, centre gauche) avait obtenu pour sa candidature le soutien d’une coalition réunissant la gauche républicaine et sociale-démocrate et une partie de la droite nationaliste.
Las, le président sortant a su déjouer les sondages difficiles pour remporter sa 3e élection présidentielle consécutive avec 52 % des voix. Il a su capitaliser sur le mélange de nationalisme et de conservatisme qui lui vaut le soutien des zones rurales d’Anatolie centrale et de la mer Noire ainsi que des quartiers populaires d’Istanbul. Le clientélisme traditionnel de son parti a joué à fond, notamment dans les promesses de reconstruction rapide dans les zones touchées par le séisme, une gageure au vu des relations consanguines entre l’AKP et les milieux de la construction.
L’opposition peut néanmoins se targuer d’avoir contraint le président à un second tour pour la première fois. De sa cellule, Selahattin Demirtaş, leader du Parti démocratique des peuples (HDP, gauche) a appelé le peuple à garder espoir, soulignant la disproportion entre la campagne de Kılıçdaroğlu et « une énorme force opérationnelle qui a pris le contrôle de l’État ».
Aux élections législatives se tenant en parallèle, la coalition de droite menée par l’AKP conserve sa majorité absolue mais recule de plus de quatre points. L’Alliance du travail et de la liberté menée par le HDP obtient plus de 10 % des voix et permet à quatre élus marxistes du TİP d’intégrer le parlement. Avec 160 000 voix, l’alliance menée par le Parti communiste de Turquie n’obtient pas d’élu.