« L’Adamant » est le nom d’une péniche immobile, centre de jour psychiatrique amarré depuis 2010 sur un quai de Seine à Paris. Sur l’Adamant, film de Nicolas Philibert, Ours d’or à Berlin en février, nous fait monter à bord. La caméra capte l’air et la lumière, hume l’atmosphère collective. Elle se pose enfin et, surtout, pour laisser le temps à une personne de parler - patients le plus souvent, soignants parfois. Parler de l’horreur de voir accolés les termes « terroriste » et « fou », de la peur suscitée dans le métro par l’apparence physique de sa souffrance, voire laisser pointer le bout de ses délires... 

Permettre l’émergence d’une parole et sa circulation réancre dans la vie. Tel est le sens profond de toute activité proposée (journal maison, dessin, chanson, couture ou ciné-club), non celui « d’occuper » ou de passer le temps. Du regard porté par Nicolas Philibert sur ce travail de Sisyphe émerge la poésie qui signe son approche, de l’humain comme de son travail.

Ce lieu associe patients et personnels aux ateliers et à la gestion d’un « club thérapeutique », parce que le soin n’est viable que s’il concerne aussi l’institution elle-même. On appréhende l’inventivité, l’énergie et les moyens en personnel d’un tel lieu « d’accueil », au sens plein, pour lutter contre un temps vécu comme immuable répétition. « On juge une société à l’aune du traitement réservé à la folie » disait le psychiatre communiste Lucien Bonnafé, lui-même pionnier de cette grande histoire, avec un Jean Oury ou un François Tosquelles. Les ravages comptables de la psychiatrie restent à la porte : l’auteur dit préférer le terme de « résistance » à celui d’« utopie ». Et demande dans un carton apparaissant in fine : « Jusqu’à quand ? »
La douceur d’un regard n’exclut pas la rigueur critique d’une pensée.