Le 16 mars dernier, le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques défrayait la chronique. Retour avec Éliane Assassi, présidente du groupe communiste, sur le scandale McKinsey.

NLA : Éliane, peux-tu nous résumer la genèse de « l’affaire McKinsey » ?
EA : Le propos doit être élargi, il ne s’agissait pas uniquement de McKinsey mais de l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. Bien que la presse en fasse écho depuis longtemps, les investigations restaient inaperçues. Jusqu’à cette réunion du comité de suivi sanitaire, pendant la crise Covid, où un consultant a pris la parole pour nous faire état de l’évolution de la situation sanitaire en France. À l’émotion des parlementaires, Olivier Véran a répondu par le mépris. Le groupe CRCE a donc décidé d’utiliser son droit de tirage pour demander une commission d’enquête qui donne de larges prérogatives, telle la levée du secret fiscal, la seule exception étant la levée du secret défense. 

NLA : Aviez-vous mesuré l’ampleur du scandale qui a été révélé ?
EA : Nous nous sommes vite aperçus que nous étions en deçà de ce que nous imaginions. Nous sommes face à une influence exponentielle des cabinets privés sur les politiques publiques. L’exemple le plus emblématique est celui de McKinsey qui a reçu 500 000 € pour organiser un colloque sur l’évaluation du métier d’enseignant, colloque qui n’a jamais eu lieu. Tout comme la découverte de la non-imposition sur les bénéfices réalisés en France par McKinsey, ceux-ci étant reversés à la maison-mère basée au Delaware, paradis fiscal. Tout ça a investi l’espace public, a créé du débat public fort intéressant. Ce que je voulais, c’est bien évidemment décrypter cette influence mais surtout remettre de la politique au bon sens du terme au cœur de tout cela. Notamment le fait que ces cabinets de conseil privés participent à la réduction du nombre de fonctionnaires dans notre pays depuis la RGPP de Sarkozy et des gouvernements qui se sont succédés. Et je crois qu’on a fait la démonstration de notre utilité, l’utilité d’avoir des parlementaires communistes.

NLA : Que révèle ce scandale sur les pratiques du pouvoir de cette nouvelle droite macroniste, comment peut-on ouvrir l’horizon sur une pratique du pouvoir plus démocratique ?
EA : Une chose très simple : le détournement de l’argent public est une opacité. Sans la commission d’enquête, on ne connaîtrait pas  tout le système  mis en place. Ce que nous avons voulu, c’est mettre un pied dans la porte pour le révéler au grand public et  dire la façon dont les libéraux imaginent gouverner un pays. Le rapport que j’ai produit n’est qu’une étape. Nous avons présenté, en octobre dernier, une proposition de loi demandant notamment que l’exécutif mette en place un document de suivi des différentes prestations de conseils contractées par toutes les administrations de l’État. Nous attendions des preuves de la bonne volonté du gouvernement. Il s’avère que le périmètre des prestations a été considérablement réduit. À noter que la proposition de loi, adoptée par le Sénat, n’a toujours pas été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.