Été 53. Bords de Seine, guinguette, bal. Un homme, une femme, jeunes. Quelques verres, un peu plus de regards, retour en voiture... Et prise de becs mémorable. Elle, est immigrée polonaise, son père est bloqué de l’autre côté du rideau de fer, alors le stalinisme, hein !, faut pas lui en raconter. Lui, est ouvrier du gaz, à la CGT et au Parti communiste algérien, alors, hein !, il défend ses intérêts de classe face à l’exploitation. Étincelles (véridiques), feux de l’amour, mariage. Fernand revient à Alger avec Hélène et le fils ado de cette dernière, Jean-Claude.

Novembre 1956. Des paras qui ne digèrent pas la défaite en Indochine ont carte blanche pour mener une sale guerre « sans nom » face à l’insurrection algérienne. Projetant un attentat matériel, calculé pour ne faire aucune victime, Fernand est dénoncé, arrêté par l’armée, torturé, jugé et condamné à mort au terme d’un procès militaire, inique et expéditif - tenu en une journée. 

Le Garde des sceaux, François Mitterrand, s’oppose à la grâce. Le président Coty le suit. Fernand Iveton est guillotiné le 11 février 1957, avec deux de ses camarades, Mohamed Ouenouri et de Mohamed Lakhnèche. Son dernier cri : « Vive l’Algérie libre ! Vive l’indépendance ! »

« De nos frères blessés », inspiré du roman éponyme, est porté par l’interprétation, on devrait dire l’incarnation, de Vincent Lacoste et de Vicky Krieps. Ces deux-là mènent combat avec un feu intérieur d’une rare intensité face à la grande broyeuse de l’histoire. Sans oublier Jules Langlade (Jean-Claude, adopté par Fernand, fier de ce nom : Iveton). Le cinéaste Hélier Cisterne rend avec la même tension aiguisée l’intime lumineux et l’engagement mené du côté de la vie. Un regard d’aujourd’hui qui rend justice et dignité à ces trois là, entre autres, et les sauve du silence et de l’oubli de l’histoire officielle.

Voir aussi la notice détaillée de l’affaire Iveton sur maitron.fr