Après avoir enquêté sur la violence politique dans «Cher pays de notre enfance», le journaliste Benoît Collombat revient à la bande-dessinée sous les traits de Damien Cuvillier pour s’attaquer cette fois à la violence économique. L’ouvrage, bien que parfois un peu technique, réussit à démontrer comment ce que l’idéologie libérale présente comme des lois de l’économie résultent en vérité d’arbitrages politiques assumés par les décideurs publics : pour garantir la stabilité monétaire, le chômage devient la variable d’ajustement du capitalisme.

On nage entre idéologues, haut-fonctionnaires et conseillers du prince pour expliquer comment des courants politiques groupusculaires au sortir de la Seconde guerre mondiale parviennent à façonner le monde selon leur vision. Deux temps forts ressortent de l’album : l’acceptation quasi sans-réserve des postulats libéraux par le gouvernement socialiste dès 1981 sous l’influence de Jacques Delors, et la construction européenne sous la férule d’un petit groupe de financiers effrayés par l’idée de voir les peuples s’immiscer dans l’organisation de l’économie.

Avec l’éclairage de chercheurs tels qu’Alain Supiot ou la regrettée Coralie Delaume, « Le choix du chômage » ne se contente par d’énumérer chaque moment où les élites ont fait le choix de déréguler l’économie au service des marchés financiers, il propose des voies de sortie : si la situation actuelle résulte de choix, alors c’est que d’autres chemins existent encore. L’Union européenne, dont les traités mettent hors de portée de la délibération démocratique tous les leviers du pouvoir économique, apparaît aujourd’hui comme le principal obstacle au plein-emploi.

«Le choix du chômage» B. Collombat et D. Cuvillier (Ed.Futuropolis)