Pour suivre sa femme qui a décroché un nouveau poste, l’auteur se retrouve en Bretagne à enchaîner les contrats d’intérim dans des usines d’agroalimentaire. D’ailleurs, il précise dès le début qu’il s’agit de boulots «alimentaires», acceptés après des recherches vaines dans son secteur, le social. Intérimaire, c’est-à-dire taillable et corvéable à merci, jour et nuit, et se prendre le Capital en pleine gueule», comme il dit.

Tout en triant des crevettes et des bulots, notre précaire porte son regard accéré sur le monde de l’usine et ses collègues, «opérateurs de production» ouvrier, ça ne se dit plus. Une fois rentré après avoir fait ses heures, il va taper sur son ordinateur les réflexions que sa journée lui a inspirées. Il va ainsi se demander pour qui, parmi l’ensemble de la population française, l’usine produit quarante tonnes de crevettes par jour, trouver désopilant le fait de se retrouver égoutteur de tofu ou rire d’une blague salée toute la matinée. Il ne nous épargne pas les douleurs dans le dos à porter des carcasses de bêtes à l’abattoir, l’indécrottable paresse d’un binôme, le doigt perdu d’un collègue de 22 ans, les déjections des bêtes en attente d’être tuées. 

Tout l’attrait de ces «feuillets d’usine» réside dans l’humour constant et les réflexions littéraires déployés pour faire face à la réalité crue de l’usine. Le livre s’ouvre avec cette citation de Guillaume Apollinaire :  «c’est fantastique tout ce qu’on peut supporter»
«À la ligne - Feuillets d’usine» Joseph PONTHUS (collection Folio)