Cela fait deux mois bien sonnés que le théâtre Graslin est occupé par les acteurs culturels, bien décidés à faire entendre leurs revendications. A la suite du théâtre de l’Odéon de Paris dont l’occupation a commencé le 4 mars, jusqu’à 150 lieux de spectacles ont été embarqués dans un impressionnant mouvement de contestation, lieux parfois expulsés mais suivis d’ouvertures nouvelles, allant jusqu’à essaimer hors des frontières – Bruxelles, Milan, Naples, Rome, Athènes.

Le 10 mars, Nantes marquait son entrée dans le mouvement en occupant Graslin, puis, dans le département, Saint-Nazaire, Couëron, Ancenis, Clisson...
Très vite, autour de l’opéra Graslin s’ est retrouvé l’ensemble des acteurs du monde culturel, intermitentes et intermitents, techniciennes et techniciens, artistes... soutenus par le personnel du lieu, et par les élus de la Ville, notamment Aymeric Seasseau, adjoint communiste à la culture.

Depuis deux mois, tout en permettant que se déroulent normalement des répétitions et des captations de spectacles, le théâtre Graslin et la place ont été le lieu de convergences de toutes les mobilisations. Le personnel du CHU a même mis en place un « bureau de recrutement » sur la place pour alerter sur les sous-effectifs et le manque de moyens du secteur de la santé. La CGT spectacle, très présente, donne le ton. Seul bémol, le collectif occupant les lieux n’a pas eu la possibilité d’adresser de communiqué lors des captations. 
Sur place ont lieu des assemblées générales parfois animées, des réunions thématiques et, tous les jours à 13 heures, devant les marches, une agora où se relaient les prises de parole, des lectures, des performances...  Parfois, le bouillonnement de la place déborde, et la chorale des intermittents va annoncer le couvre-feu ou animer les manifestations politiques et syndicales : premier mai, postiers, électriciens... 

L’heure est maintenant aux annonces de réouverture. Des séances de travail avec les directrices et directeurs des lieux culturels permettent aux occupants de mettre sur la table les revendications qui se font jour (voir encadré). Il paraît évident qu’une reprise « sèche » est difficilement envisageable et qu’il va falloir tenir compte de l’état de fragilisation avancée d’un secteur mis à l’arrêt depuis plus d’une année. Celui-ci ne pourra redémarer que peu à peu, avec des jauges réduites, pour des grandes salles seulement, des festivals annulés... Pour réouvrir sereinement, il semble indispensable de mettre en place un plan conséquent de reprise de l’emploi concernant l’ensemble du secteur et intégrant un report des droits sur plusieurs mois encore. Outre la dimension économique – quid des heures non travaillées par les intermittents ? -, il y a une véritable volonté de proposer au public des spectacles porteurs de messages de sensibilisation aux problèmes du secteur. Afin que la reprise ne se fasse pas sur un mode dégradé, le collectif en appelle aux pouvoirs publics et souhaite de leur part un engagement clair.

Samedi 22 mai, le collectif d’occupation invite chacune et chacun à venir avec son casse-croûte partager un « banquet de la colère ».


Réouverture des lieux culturels : pour une reprise solidaire
(extrait du communiqué des directrices et directeurs des lieux occupés)

Nous demandons à l’État de prendre au plus vite des mesures budgétaires adaptées au contexte de crise inédit que nous traversons, comme il l’a fait pour d’autres secteurs

La prolongation de l’année blanche pour les intermittent·e·s du spectacle et du cinéma jusqu’au 31 août 2022 ;
Un soutien à toutes les structures en difficulté, qu’elles soient publiques ou privées (théâtres, salles de spectacles ou de concerts, mais aussi discothèques, cafés-culture, tiers-lieux, lieux d’accompagnement et de professionnalisation, musées et galeries, festivals etc.), et quels que soient leur taille et leur territoire, afin de lever les obstacles à la diffusion des spectacles dans les 24 mois qui viennent ;
Un plan de relance pour l’emploi culturel qui permette de rémunérer au juste prix les répétitions, résidences, temps de recherche, entraînements, etc. des équipes artistiques ;
Des dispositifs d’accompagnement spécifique pour les auteur·rice·s etcompositeur·rice·s, ainsi que pour les jeunes professionnel·le·s, notamment les primo-entrant·e·s dans le régime de l’intermittence ;
Un soutien urgent aux organismes sociaux du secteur culturel : CMB, AFDAS et Audiens ;

Le retrait de tout projet de réforme de l’assurance chômage dans un contexte où les plus fragilisé·e·s de nos concitoyen·ne·s sont déjà les grandes victimes de la crise sanitaire et économique que nous traversons.