Le débat autour du narcotrafic en France a ouvert un pan souvent oublié de la délinquance où les narcotrafiquants se retrouvent souvent mêlés au monde des affaires, des grands dirigeants et du pouvoir en place, celui de la délinquance financière. Le Sénat a donc ouvert une « commission d’enquête aux fins d’évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis ».
Le titre ambitieux de cette commission met en lumière l’audition des journalistes Fabrice Arfi (Médiapart) et Frédéric Ploquin (Marianne) (disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=0Ic6PLcxogM), montrant à quel point notre pays se heurte au manque de volonté politique.
Extrait de Fabrice Arfi :
« La situation qui est la nôtre, quand on est citoyen d’un pays comme la France, d’un pays qui a déjà eu un président de la République définitivement condamné pour des atteintes à la probité, il s’appelle Jacques Chirac, dont un Premier ministre a été définitivement condamné pour des atteintes à la probité, il s’appelle Alain Juppé, dont le successeur a été définitivement condamné pour une atteinte à la probité, il s’appelle Nicolas Sarkozy, et dont un Premier ministre a été définitivement condamné pour atteinte à la probité, il s’appelle François Fillon.
Ça veut dire que deux chefs d’État, deux chefs de gouvernement ont été définitivement condamnés pour des atteintes à la probité. Je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de démocraties occidentales modernes, comme on dit, libérales, avec un tel CV judiciaire, qui, il me semble, nous tend un miroir dans lequel on doit pouvoir se regarder sans honte pour grandir.
J’ai parlé de quatre hommes de droite. Que la question serait partisane et politique ? Je n’ai aucune difficulté à évoquer le cas d’une affaire que je connais bien, Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget qui était un fraudeur fiscal, ou même, pendant la présidence socialiste de Monsieur Hollande, le patron du parti présidentiel, Jean-Christophe Cambadélis. Patron quand il est désigné à la tête du Parti socialiste, il est déjà condamné deux fois définitivement pour des atteintes à la probité. On n’a pas pu en trouver un autre ? on a mis quelqu’un qui avait été déjà condamné ! (...)
Les présidences, elles peuvent être un peu oubliées. Je donne juste un exemple. En mars 2017, Emmanuel Macron dit que, évidemment, un ministre mis en examen devra démissionner en vertu de ce qu’on appelle improprement, mais peu importe, la jurisprudence Bérégovoy-Balladur, qui n’avait rien de jurisprudentielle, mais qui est une jurisprudence politique, si l’on ose dire, et qui s’entendait parfaitement, et on pourra y revenir, entre la relation qu’il peut y avoir entre le principe de précaution et la présomption d’innocence. Et on peut évidemment concilier les deux sans porter atteinte à aucune des deux autres.
Aujourd’hui, il faut quand même constater que nous avons une ministre de plein exercice qui va être jugée pour corruption, nous avons un secrétaire général de l’Élysée qui est mis en examen et qui va probablement être renvoyé devant un tribunal correctionnel pour des faits de prise illégale d’intérêt. Je ne vais pas revenir sur ce qui a été la griffure, si vous me permettez l’expression, de l’affaire dite Dupond-Moretti, qui s’est retrouvée devant ce que beaucoup d’hommes et de femmes politiques considèrent comme une sorte de furoncle démocratique, qui est la Cour de justice de la République. Imaginez quand même que nous sommes l’un des seuls pays au monde à avoir, pour les délits commis par des membres du gouvernement en fonction, un tribunal d’exception et qui est jugé par des parlementaires. »
Les journalistes reviennent sur d’autres affaires passées, en cours ou simplement enterrées et font le lien entre les parcours financiers communs des narcotrafiquants et des fraudeurs fiscaux tout en pointant le manque de moyens dont disposent la police et la justice pour remonter les filières financières par manque de volonté.