Alors qu’ils luttaient contre l’occupant nazi et le régime d’extrême droite qui lui était acquis, les rédacteurs du programme du Conseil national de la Résistance avaient, sur le chapitre des médias, défini des lignes rouges « [afin d’assurer] la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères  ».

80 ans plus tard, un nouveau seuil vient d’être franchi par les fameuses puissances d’argent, en l’occurrence les milliardaires Vincent Bolloré, Bernard Arnault, Rodolphe Saadé, la famille Dassault et quelques autres, par le rachat de l’École supérieure de Journalisme (Paris), fondée en 1899 et plus ancienne école de journalisme au monde, mais cependant non reconnue par la profession – à la différence de l’École supérieure de Journalisme de Lille.

Ainsi, non contents de s’offrir chaînes de télévision et maisons d’édition, réseaux de presse « Relay » dans les gares et radios commerciales, nos milliardaires aux penchants droitiers – voire extrême droitiers pour certains – se préoccupent maintenant de la formation des journalistes. Il n’est pas besoin de beaucoup d’imagination pour deviner ce qui sera attendu des étudiants.

À noter la discrétion avec laquelle l’opération s’est faite, comme s’il s’agissait d’éviter une bronca… Les journalistes sont gens sourcilleux. À noter aussi la difficulté de l’extrême droite à créer une école de journalisme, comme à créer des maisons d’édition d’un peu d’envergure. L’argent des milliardaires vient y pallier, c’est plus facile d’acheter ce qui a déjà réussi.

La boucle est bouclée : Jordan Bardella peut publier aux éditions Fayard rachetées par Bolloré, être diffusé sur tous les supports médiatiques aux mains des milliardaires, distribué dans bon nombre de « Relay » et encensé par des journalistes qui ne diront pas que son livre est nul, vide de sens, pitoyable.