La pensée réactionnaire, dans sa haine de la République, s’est évertuée dès les commencements de la Révolution française à distordre les faits et ce qui allait devenir l’histoire afin de faire oublier tout ce que la période avait d’émancipateur – suffrage universel masculin, abolition de l’esclavage, liberté des cultes… Dès la chute de Robespierre, le terme « Terreur » plaqué sur les années 1792-1794 a cherché à donner une image sanguinolente de la Révolution et de ses acteurs.

Dans son livre Marianne aux enfers ; la haine de la Révolution française, Nathalie Alzas décrit avec force exemples tirés notamment de la littérature comment cette pensée anti-républicaine a pu évoluer depuis la Première République, forçant les traits, s’adaptant aux fantasmes de chaque époque pour dépeindre la Révolution haïe, dont le cri me avait été de renverser un ordre du monde ordonné par Dieu et son représentant le Roi.

En 1944, le discours anti-républicain va ainsi mettre en parallèle l’épuration et la « Terreur », transformant les collabos en pauvres victimes de résistants vus en soudards assoiffés de vengeance - l‘écrivain Robert Brasillach se prenant par exemple pour le poète André Chénier, Philippe Pétain comparé par son avocat à Louis XVI… Or, dans les années 1970, un retournement va se faire dans l’argumentaire réactionnaire par l’assimilation des crimes de la Seconde Guerre mondiale à ceux qu’aurait perpétré la Révolution, celle-ci devenant sous la plume des anti-républicains la matrice de toutes les horreurs du XXe siècle, à l’encontre de toute raison (Goebbels en 1933 : « Nous avons effacé l’année 1789 de l’histoire allemande »).

Plus près de nous, de soi-disant « historiens » aux arrières-pensées très politiques ont fabriqué le mythe d’un « génocide » vendéen, mythe qui s’est mis à se propager, porté par le parc d’attraction villiériste, gangrenant les médias, les productions littéraires, cinématographiques... jusqu’aux bancs de l’Assemblée nationale. Ici, c’est plus précisément la Shoah qui est invoquée, dans un parallèle où les soldats républicains deviennent nazis, permettant au passage de relativiser le génocide hitlérien.

Face à l’ampleur de cette réécriture de l’histoire, de son imprégnation dans la société et des conséquences directes en terme de fragilisation de nos idéaux démocratiques, le livre de Nathalie Alzas est particulièrement bienvenu.
Marianne aux enfers ; la haine de la République Nathalie Alzas (éd . Critiques) 18 €