Alors que la population des 27 pays de l’Union européenne s‘apprête à élire les prochains eurodéputés sans faire preuve d’un enthousiasme débordant, un nombre important de Géorgiens est en train de manifester, drapeaux géorgiens et européens mêlés. Leur europhilie contraste singulièrement avec la relative atonie que nous connaissons dans le cadre de cette campagne électorale. Depuis plusieurs semaines, des centaines de milliers de Géorgiennes et de Géorgiens, de tous milieux et avec une forte proportion de jeunes, descendent dans la rue pour s’opposer au projet de loi sur « l’influence étrangère ».

Cette loi exige que toute ONG ou organisation médiatique recevant plus de 20 % de son financement de l’étranger s’enregistre en tant qu’« organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère » et se soumette à un contrôle administratif. D’après le gouvernement, cette mesure doit permettre plus de transparence. Pour les opposants, le texte de la loi est directement inspiré de la législation russe – ils parlent de «  loi russe  » – et n’a pas d’autre objet que de réprimer les voix dissidentes, de réduire au silence la société civile et les médias.
Le 14 mai, la loi a été adoptée par 84 voix « pour » et 30 voix « contre », ce qui n’a fait que renforcer la mobilisation - à ce jour, une trentaine d’universités sont en grève à travers le pays. Cependant, le mouvement est composite et tous les manifestants n’ont pas les mêmes objectifs. Parmi les opposants à la « loi russe », tout le monde ne porte pas des regards enamourés en direction d’une Europe vite donneuse de leçons. La cause géorgienne est pour nombre d’entre eux prioritaire, qui refusent d’admettre l’occupation de 20 % du territoire par les troupes russes depuis 2008.

Pour l’instant, le parti au pouvoir depuis douze ans, « Rêve géorgien », fondé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, est resté sourd face aux manifestations et aux condamnations internationales, notamment en ce qui concerne l’emprisonnement de l’ancien président Mikheïl Saakachvili. Le mouvement arrivera-t-il à se maintenir jusqu’aux législatives prochaines, prévues en octobre ?