Avec un milliard d’électeurs, l’Inde a souvent été qualifiée de la plus grande démocratie au monde. Cependant l’arrivée, il y a dix ans, de Narendra Modi à la tête du pays avec son parti nationaliste, le BJP (Bharatiya Janata Party), a fortement changé la forme démocratique du pays.
Les élections législatives indiennes de 2024 sont en cours depuis le 19 avril et ne se termineront pas avant le 1er juin. Si faire voter 970 millions d’inscrits est effectivement un tour de force, l’allongement à 44 jours du temps électoral fait craindre de nombreuses fraudes.
La commission électorale a vu deux de ses trois membres remplacés en décembre 2023 et le choix des nouveaux commissaires donne évidemment l’avantage au gouvernement en place.
Autre originalité, l’Inde a généralisé les machines de vote électronique et, même s’il a été démontré que celles-ci pouvaient être piratées, la mise en place d’un système de contrôle et de recomptage, pourtant possible sur les 1,4 million de machines déployées dans le pays, n’a pas été jugée utile. Le Parti du Congrès, principale force d’opposition, a quant à lui vu ses comptes bancaires bloqués en février dernier. En mars, l’une des principales voix de l’opposition, Arvind Kejriwal, s’est retrouvée derrière les barreaux. De plus, une multitude de candidats en bonne place pour emporter à nouveau leur siège de député ont, à la suite d’un début de contrôle fiscal, brusquement changé de camp. Pour ceux qui n’ont pas décidé de rejoindre le camp de Modi, la machine judiciaire ne s’arrête plus.
Côté financement des partis en 2017, Modi a fait adopter une loi visant à « nettoyer le financement politique » en réduisant l’utilisation d’argent liquide. Cette loi a créé des obligations électorales que les entreprises et les particuliers pouvaient acheter pour financer les partis politiques. Cependant, la Cour suprême indienne l’a invalidée en février 2024. Selon les informations disponibles, cette loi aurait rapporté au BJP pas moins de 1,98 milliard de dollars entre janvier 2018 et février 2024.
L’Inde est également en chute libre dans les classements mondiaux sur la liberté de la presse. À l’instar de la France, les médias ont, au cours des dix dernières années, tous été rachetés par un cercle restreint de milliardaires indiens, en phase avec Modi. Les quelques journaux en ligne encore indépendants voient leurs journalistes intimidés. Une critique du Premier ministre Modi vous vaudra là aussi un contrôle fiscal si vous habitez encore dans le pays. Si l’opposition à Narendra Modi était déjà fortement réduite depuis l’élection de 2019 (93 sièges sur 543), la surprise serait totale de la voir se renforcer après le 1er juin 2024.