« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », nous rappelle, comme une évidence, Jean de La Fontaine. Cette formule devenue maxime est singulièrement représentée par la bande dessinée parue cet automne : Chroniques de l’injustice ordinaire. 

L’autrice née à Nantes Ana Pich, après des études en droit et en criminologie, s’est intéressée notamment à la dimension politique des décisions de justice et aux diverses discriminations à l’œuvre. Au travers de planches illustrant 70 audiences correctionnelles et comparutions immédiates réalisées au tribunal de Nantes entre 2021 et 2023, l’ouvrage met en lumière toute la violence judiciaire qui s’exerce au quotidien au sein des tribunaux.

Acharnement judiciaire subit par les personnes étrangères ou encore les militants politiques, recours abusif à la détention, mais aussi impunité pour les auteurs de violences sexistes et sexuelles, tout semble accuser une justice de classe, inégalitaire, patriarcale et dure aux faibles, une injustice ordinaire, qui s’abat le plus souvent sur les populations les plus précaires et marginalisées, rendue au nom du maintien de l’ordre établi.

En publiant ce livre, Ana Pich souhaite « faire naître des questionnements et créer de l’intérêt chez des gens qui n’auraient peut-être jamais entendu parler de l’institution judiciaire » mais également « chez les professionnel·les de justice ». Elle espère que les avocat.es, magistrat.es, juges, évoqué.es dans son livre, puissent prendre conscience et prendre du recul sur « les discours inacceptables, racistes, sexistes et méprisants qu’on entend dans des salles d’audiences publiques prononcés par des fonctionnaires de l’État ».

Porté par de belles planches en noir et blanc, souhaitons que le message de l’autrice parvienne à être entendu et à faire bouger les lignes du monde de la Justice.

Chroniques de l’injustice ordinaire, Ana Pich (éditions Massot) 23,95 €