Plus que jamais ancré dans une récupération de l’électorat du Rassemblement National en vue des prochaines élections européennes, le projet de loi immigration porté par le gouvernement est devenu l’objet de toutes les convoitises pour le parti des Républicains. Après son passage au Sénat, le texte du projet initialement pourvu de 27 articles est adopté avec 210 voix contre 115 dans une version sévèrement durcie et élargie, avec plus d’une centaine d’amendements, le portant ainsi à 90 articles. Inutile de rappeler que le Palais du Luxembourg est dominé par la droite. Un projet qui portait déjà des modifications de loi particulièrement restrictives sur l’accueil des exilés et devient ainsi l’outil idéal pour formaliser les idées les plus malsaines que la droite n’a su imposer lors de ses précédents exercices du pouvoir.

Dans sa composition, le projet reprend des quotas migratoires avec des autorisations de séjour amenuies, la restriction des modalités du groupement familial et du droit au sol, le conditionnement strict des aides sociales et la suppression de l’Aide Médicalisée d’État. L’article 3 visant à faciliter la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension s’est vu remodeler sous une forme moins permissive que le droit actuel et l’application de la circulaire Valls, un processus de régularisation au cas par cas toujours à la discrétion du préfet. Concernant la suppression de l’AME pour la transformer en Aide Médicalisée d’Urgence, une grande partie du corps médical et hospitalier dénonce dès maintenant une réforme absurde qui pourrait avoir des effets délétères sur l’hôpital public et coûterait plus cher en définitive.
Par ailleurs, certains textes du projet de loi semblent d’ores et déjà voués à ne pas passer l’examen par le Conseil constitutionnel, comme la suppression de l’automatisme en ce qui concerne le droit du sol ou encore la potentielle levée des protections liées à une arrivée sur le territoire français avant treize ans ou l’obtention de la nationalité après mariage. 

Avec toutes les modifications entreprises par la droite sénatoriale, le projet de loi du gouvernement divise désormais au sein du camp présidentiel, l’aile droite et Gérald Darmanin se voient soulagés par cette approbation quand d’autres trouvent que le texte final, dont la suppression de l’article 3, dépossède le gouvernement de son projet. Prévus en examen par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 27 novembre puis en séance le 11 décembre, les débats risquent fort de tourner à la bataille de récupération politique entre les partis du centre, de droite et d’extrême droite. La possibilité d’un nouveau recours au 49-3 est fortement envisagée avec l’opposition annoncée de la gauche d’une part et la volonté de ne pas céder le projet à LR qui ne votera pas le texte si l’article 3 fait son retour...

Après les débats écœurants de la chambre haute, le PCF dénonce un projet de loi profondément réactionnaire ainsi qu’une collusion explicite entre la droite et l’extrême droite.