En fouillant dans des vieux cartons d’archives outre-Atlantique, l’historien Patrick Weil tombe sur une pièce de premier choix : un manuscrit inconnu, corrigé et annoté de la main de Sigmund Freud. Sa parution en 1966 – qui s’avère expurgée !– soulève un scandale, à commencer par la propre fille de Freud, Anna, qui en nia l’authenticité. Son titre ? « Le président Thomas Woodrow Wilson, un portrait psychologique » (publié en France par Payot).

Ce président des États-Unis aurait pu rester dans l’histoire comme fervent artisan du traité de Versailles et fondateur de la Société des Nations.

Le caractère instable, pour ne pas dire pire, qu’il révèle en coulisse, contribue à une série de décisions catastrophiques qui, au sortir de la première boucherie mondiale, sèment les ferments de la seconde. Ce seul aspect suffirait à nourrir un seul ouvrage, et c’est largement le cas. Mais l’auteur s’interroge : pourquoi un texte achevé en 1932 reste-t-il aussi longtemps en souffrance ? Et pourquoi autant de coupes ?

Le témoignage de premier plan post-Première guerre mondiale devient enquête digne d’un polar, sur les traces d’un certain William Bullitt, fils de patriciens et coauteur du « Wilson ». Jeune journaliste, il devient proche conseiller de ce dernier. Atterré par cette expérience, il en retire le virus des affaires internationales, qui le verront, tel un Tintin reporter, sillonner la planète, de l’Angleterre à la Chine, de l’Afrique à la Russie de Lénine. Devenu conseiller diplomatique de Roosevelt, il sera le premier ambassadeur US à Moscou sous Staline, qui libère des logements pour ces diplomates au rythme de ses purges... On trouve là, jusque dans son amitié avec Nixon, et ses propres échecs, comme un double en négatif de ce « président devenu fou ». Et son portrait finit par prendre une place de premier choix. 

Fresque foisonnante de l’histoire planétaire contemporaine, précis de doctrine internationale d’un pays qui place « Dieu » au plus haut, ce livre se lit comme un appel stimulant à la vigilance et à la créativité démocratiques.

« Le président est-il devenu fou ? »,
de Patrick Weil, Grasset, 475 p, 25 euros.