Considéré comme un marché comme un autre, celui de l’hébergement des personnes âgées dépendantes, baptisé avec cynisme « or gris », ne cherche pas à faire preuve de la moindre moralité. La seule loi étant, là comme ailleurs, celle du profit et à plus forte raison lorsqu’il s’agit de grands groupes cotés en bourse. Il faut reconnaître que pour obtenir 160 millions d’euros de résultat net et pouvoir en distribuer 58 aux actionnaires, pour ce qui concerne le groupe Orpéa (1156 établissements de par le monde), cela nécessite beaucoup de talents et une absence totale de scrupules.

Le livre récent de Victor Castanet, « Les Fossoyeurs », dévoile ainsi tout ce qui est mis en œuvre pour que cette course aux profits puisse donner pleinement sa mesure. Rien n’y est laissé au hasard, tant dans les négociations avec les fournisseurs que dans les restrictions mesquines imposées aux résidents, ainsi qu’aux personnels.

Or, les mesures d’économies drastiques mises en place pour les personnes âgées et dépendantes sont telles qu’elles relèvent de fait de la maltraitance. Ainsi, que ce soit sur les repas, les couches de protection, le matériel ou la prise en charge médicale, les coupes budgétaires imposées à tous les niveaux révèlent le mépris absolu dans lequel sont tenus les résidents. Le sort pitoyable réservé à nos anciens au nom de juteux intérêts est indigne.
Depuis de nombreuses années, des membres des personnels, certains responsables, tentent d’alerter la société civile sur la maltraitance en Ehpad, des enquêtes ont été menées, mais tout a été fait pour étouffer les critiques, que les mauvaises pratiques perdurent. Affectés eux-mêmes par de mauvais salaires et des sous-effectifs manifestes, la pratique syndicale empêchée quand elle n’est pas « maison », les salariés du grand âge, bien qu’ayant souvent choisi de travailler dans le secteur du soin par goût personnel, connaissent l’écœurement quand ce n’est pas le burn out. 

Ces dernières décennies, la collectivité a abandonné progressivement le soin que nous devons porter à nos aînés pour laisser la place au privé. Les résultats de cette privatisation apparaissent aujourd’hui, sordides. La situation demande maintenant des mesures fortes, mesures développées dans le programme des Jours heureux : création d’un service public du grand âge, de 300 000 emplois en Ehpad et 100 000 aides à domicile, revalorisation des salaires, mise sous tutelle des établissements dépendant de groupes privés, « contribution solidarité » sur les dividendes, investissements conséquents...

Face au scandale dévoilé, la réponse à apporter concerne l’ensemble de la société.