La commission Duclert, mise en place en 2019 pour faire la lumière sur l’attitude de la France lors du génocide des Tutsi en 1994 a remis son rapport le 26 mars dernier. Basé sur près de 8000 documents, épais de 1200 pages, ce rapport conclut à des «responsabilités lourdes et accablantes» de la France avant, pendant et après la période du génocide en tant que telle - du 7 avril au 17 juillet 1994 -, sans toutefois considérer qu’elle en aurait été complice. Certes, les autorités françaises n’ont pas exprimé d’«intention génocidaire», mais le soutien sans faille apporté au régime qui a perpétré ce crime de masse – livraisons d’armes, formations militaires dispensées à des génocidaires, soutien diplomatique, financier... doit être souligné avec force. Dès  1990, un ennemi «ougando-tutsi» est désigné aux forces militaires françaises, en vue de soutenir le régime de Juvénal Habyarimana. Cette construction permet une ingérence sans laquelle le meutre de 800 000 tutsi, ainsi que des hutu modérés n’aurait pu se faire.

Ce rapport est particulièrement intéressant dans sa mise en cause claire du président François Mitterrand et de son entourage, de la description de chaînes de communications et de commandements parallèles qui ont permis de contourner toutes les procédures légales en vigueur. Ainsi, sous les combles de l’Élysée, opérait l’EMP - État Major Particulier, dont la particularité résidait dans le fait de construire des preuves d’une agression du Rwanda venant de l’extérieur, de passer outre les rouages de  la démocratie pour pousser les soldats français à contrer le FPR tutsi, seul face aux génocidaires, extrémistes hutu. Quand les ordres venant de cette officine présidentielle ne pouvaient être oraux, les traces de ce sombre travail devaient être détruites. 

Plusieurs années avant l’attentat du 6 avril où vont trouver la mort Juvénal Habyarimana, président du Rwanda et Cyprien Ntaryamira, président du Burundi, des alertes nombreuses sont lancées. Fin 1990, le général Jean Varret rencontre le colonel Rwagafilita qui réclamait des mitrailleuses et des mortiers :  «On va liquider tous les Tutsi sur le territoire rwandais. Ils ne sont pas nombreux, ça ira vite. » (Le Monde, 29/03/21). Remontées au plus haut niveau, ces informations resteront lettre morte, les «lanceurs d’alerte» écartés.

Les années qui ont suivi ont été consacrées à maquiller les  éléments pouvant compromettre la France, en inventant la thèse d’un «second génocide» qui, mettant en lumière un soi-disant génocide de hutu, dédouanerait ceux-ci, en instrumentalisant la justice ...

Plutôt donc qu’une complicité, le rapport Duclert parle d’un « aveuglement continu « qui aurait empêché les responsables au plus haut niveau, François Mitterrand le premier, de percevoir les véritables  intentions de leurs alliés, ni les conséquences de cette alliance. Le rapport condamne aussi le fait françafricain fleurant bon le néocolonialisme «raciste, corrompu et violent», mais reste silencieux sur l’essence-même de la Cinquième République et de son régime présidentiel qui  a permis toutes ces dérives personnelles, dérives ayant laissé place au dernier génocide du XXè siècle.