La Colombie traverse une crise profonde : depuis le 28 avril, les Colombiens et Colombiennes se mobilisent, les classes sociales les moins favorisées, c’est-à dire 45% de la population, se révoltent contre un appareil d’État qui les méprise depuis toujours et dont la réforme fiscale n’a été que le coup grâce. Par ailleurs, la réforme de la santé qui donnait au privé le plein pouvoir sur le secteur achevait un système déjà paupérisé par une pandémie et des décennies de corruption . La violente répression policière a fini par tuer 46 personnes et faire 1 600 blessés... le suicide d’une femme victime des violences sexuelles commises par quatre policiers. Et nous qu’est-ce qu’on fait ? Compter les morts ? Exiger d’une diplomatie vétuste une aide si insignifiante soit-elle pour demander le plus élémentaire des principes, la souveraineté populaire ? La mobilisation n’est qu’un cri à l’aide qui peut-être ne sera jamais entendu... 

La volonté de changement est plus puissante que jamais. Depuis la mobilisation pour la ratification des accords de paix, une jeunesse politisée se révolte contre la corruption, contre les réformes successives et pour la démocratie. De même, les médias indépendants gagnent du terrain et la vieille rhétorique des médias traditionnels n’est plus écoutée : l’anticommuniste qui inculpe systématiquement les FARC, qui a fait gagner l’extrême droite depuis les années 2000, l’ex-président Uribe et ses grégaires.

La grève qui a débuté le 28 avril demande de vraies réponses, le dialogue national proposé par le président Duque n’aboutit à rien. Pour commencer à négocier, le comité de grève demande en premier lieu une réforme de la police. La gauche centriste et alternative gagnante des dernières élections municipales, notamment à Bogotá, doit prendre sa part et protéger les manifestants. Les discours tièdes dans une société qui demande des changements radicaux sont aussi nuisibles que le silence des diplomates face à la violation du droit international. L’exemple du Chili pourra matérialiser une demande d’une nouvelle constitution. En attendant, des gens continuent à mourir et nous, qu’est-ce qu’on fait ?  Ne jamais oublier nos morts, ces justes, victimes de la “justice”.