Succédant comme personnage public à Marcel le grand-père, puis Serge le père, Olivier Dassault est décédé en ce mois de mars. Si l’ascension sociale de la famille Bloch - Dassault est liée à l’aéronautique par la carrière d’ingénieur et d’homme d’affaires de Marcel dès l’entre-deux-guerres, elle est aussi permise par la non-collaboration avec le pouvoir de Vichy ou Nazi : entre 1940 et 1945 « Marcel le juif » sera harcelé judiciairement avant d’être déporté à Buchenwald où il sera protégé par le communiste Marcel Paul. Ce destin fit du personnage une personne fréquentable : déporté donc patriote. Un adjectif qui collera alors à sa famille, famille qui accédera rapidement à la grande richesse grâce à la guerre froide, le plan Marshall finançant la construction d’une industrie aéronautique de défense moderne.
La famille se constituera un empire industriel et dès les années 1960 dans la presse (journal Minute). La constitution de cercles d’influence se parfait aussi par la participation à la vie politique de ces trois générations dans toutes les représentations : à la Mairie de Corbeil-Essonne, au Conseil départemental, au Conseil Régional, à l’Assemblée Nationale ou au Sénat. Olivier Dassault aura donc été un digne continuateur de ses prédécesseurs.

Si dans son rôle industriel, il a surtout été actionnaire et patron de presse (Le Figaro, Valeurs actuelles), sur la scène politique il aura un rôle actif en tant qu’élu local ou national à partir de 1977. Il fera partie des promoteurs de la mondialisation dé-régulatrice, exerçant son influence au sein du RPR et de ses cercles, mais aussi dans l’hémicycle par de nombreux rapports et écrits. Il sera aussi l’auteur de plusieurs propositions pour annuler et interdire la rétroactivité des lois fiscales qui aurait entrainé le fameux exil fiscal des gens bien.
Cette accumulation familiale de capitaux financiers, mondains, culturels et symboliques vient même rencontrer les pratiques aristocratiques avec l’organisation de grandes parties de chasse en Sologne, où les seigneurs (du Gotha financier, industriel, médiatique) s’invitent entre eux et où les intrigants tentent de se faire connaître pour enrichir leur carnet d’adresses et de commandes.

Peu de familles sont aussi emblématiques (et bien connues) que les Dassault de ce qu’est la bourgeoisie d’aujourd’hui. Cette classe, composée de personnes ayant des intérêts et des désirs qui leur sont propres, mais dont la force est aussi de savoir coopérer et défendre son hégémonie culturelle.
De la répression de la Commune de Paris à l’inéligibilité de Lula au Brésil, le rôle de la bourgeoisie dans le déroulement des faits donne des éléments d’explication qui n’ont rien d’occulte, mais qui sont bien souvent complexes.