On pense souvent qu’Hitler est arrivé au pouvoir par les urnes. Pas du tout ! Après une ascension ininterrompue depuis 1928, les élections législatives de novembre 1932 sont un revers pour le parti nazi qui perd quatre millions de voix et se trouve au bord de l’implosion. Pourtant, le 29 janvier 1933, Hitler, citoyen allemand depuis moins d’un an, sera nommé chancelier. Que s’est-il passé ? C’est ce que nous apprend Johann Chapoutot dans une chronique très documentée. 

Revenons en 1930. L’Allemagne est en crise. Les chanceliers Brüning puis von Papen issus du Zentrum, sans majorité au Parlement, vont mener jusqu’en 1932 une cure d’austérité drastique à coups « d’ordonnances d’urgence » permises par l’article 48-2 (un cousin de notre 49-3) de la Constitution. Cette politique, rendue possible par la passivité du SPD (le parti social-démocrate) qui redoute la montée des « extrêmes » nazis et communistes, va mener l’Allemagne à une récession qui inquiète les milieux d’affaires. Dans le même temps, ces derniers sont rassurés par l’offensive de charme d’un Hitler qui déclare le 26 janvier 1932 devant un aréopage de patrons qu’il faut « conformer les normes politiques aux normes économiques ». Les élections de novembre 1932 sont un désastre pour le Zentrum qui, n’ayant plus aucune légitimité pour gouverner, finit dans les mains des nazis. « C’est, de fait, une petite oligarchie désinvolte, égoïste et bornée qui a fait le choix, le calcul et le pari de l’assassinat d’une démocratie : des libéraux autoritaires qui, convaincus de leur légitimité supra-électorale, persuadés du bien-fondé de leur politique de « réformes » (le mot était déjà omniprésent en 1932), infatués de leur génie […] ont froidement décidé que la seule voie rationnelle et raisonnable pour se maintenir au pouvoir et éviter toute victoire de la gauche était l’alliance avec les nazis. »

L’Histoire, dit-on, ne se répète jamais. Il est pourtant vital d’en retenir les leçons et donc de la connaître. Les péripéties qui ont conduit les nazis au pouvoir et l’actualité française depuis 2022 présentent des similitudes étonnamment nombreuses. Certes, pour l’auteur, « Hugenberg (industriel et patron de presse d’extrême droite) n’est pas Bolloré, von Papen n’est pas Macron mais leurs positions dans les configurations politiques, économiques et sociales de la France de 2025 et l’Allemagne de 1932 sont analogues ». À bon entendeur…

Les irresponsables ; Qui a porté Hitler au pouvoir ?
Johann Chapoutot (éd. Gallimard ; 2025) 21,00€